Review Summary: Expressif et enlevé, le délicieux Letherette est un bonbon de house qui peuplera vos nuits sur la piste. Santé a l'un des meilleurs albums dansants de 2013.
A l'écoute de
Letherette, premier album éponyme signé Andy Harber & Richard Roberts, deux points de comparaison fraîchement 2013 soulèvent mon esprit : Disclosure et Pet Shop Boys. Ces trois duos ont chacun donné de beaux sons de noblesse a la house 2013. D'une part, si les deux jeunes frères Lawrence qui ont produit
Settle sont parvenus dans l'ensemble a éviter les raccourcis et facilités de l'agaçante vague EDM, ce premier LP n'a cependant pas manqué de me décevoir quelque peu. L'album contient certes de sérieux
bangers : pensons a la house plus-que-lascive de "White Noise" ou aux inspirés déhanchements
garagiques de "You & Me", sans doute deux des meilleurs singles dansants de l'année.
Settle est fort, mais plusieurs de ses chansons n'égalent pas l'originalité qui caractérisait d'anciennes compositions disclosuriennes telles que "What's In Your Head" ou "Flow". D'autre part, l'impressionnant
Electric des Pet Shop Boys, malgré quelques maladresses dans l'exécution, marque un retour triomphant sur la scène électronique dansante de la part de deux hommes qui nous ont légué des chefs-d'œuvre comme "West End Girls" et "Being Boring". "Love is a Bourgeois Construct" est un « classique instantané » jubilatoire, très digne de figurer dans un « Best-Of » Neil Tennant et Chris Lowe. Mais quoique
Settle et
Electric soient peut-être plus ambitieux sur le fond,
Letherette est sans doute le mieux construit et le plus travaillé de ces trois albums.
Letherette est un album house de haut calibre, ponctué d'humeurs disco et de délicatesses électropop intelligemment distillées parmi les rythmes. Pensons au
Total de sebastiAn sorti en 2011, moins l'électro furieuse style Ed Banger : un LP sensuel, festif, entraînant, optimiste et parcouru d'échantillons vocaux. Danser en 2013 est désormais un acte incomplet sans les barres d'énergie pop contenues dans
Letherette. Les pulsations vous entrent dans l'oreille avec des raffinements subtils et une élégance rêveuse, accompagnées très souvent de claquements contagieux. Les échantillons vocaux, omniprésents et tout en douceur, arrivent par saccades, intégrés a la rythmique de l'album comme de légers battements cristallins. Textures house et disco-mélodies se prennent la main dans une joie qui ralentit parfois mais qui ne s'éteint guère.
Letherette défile avec des variations colorées qui vous font danser tantôt sur un pied, tantôt sur l'autre, et cela jamais de la même manière; les grooves arrivent a tour de rôle comme la nature morte d'un panier de fruits revenue a la vie. Bingo! Les deux hommes derrière le nom de Letherette ont ainsi relevé le défi qui guette souvent les producteurs électroniques lorsqu'ils s'attaquent au format de l'album : varier les tempos et les pulsations, surprendre au prochain tournant, en bref donner a l'ensemble des allures de montagnes russes.
La première moitié de l'album explose avec des confettis et des rubans, caractérisée par d'assez courts morceaux qui passent comme des flèches d'argent. "After Dawn" ne lambine pas : le morceau s'ouvre et se poursuit sur une texture lumineuse qui s'intensifie graduellement, a la manière de projecteurs dont le faisceau de lumière gagne en épaisseur a chaque seconde. Battements et
samples vocaux se partagent le rythme avec une harmonie amoureuse, chose dont l'album ne manquera jamais de souffle. "D&T" poursuit de plus belle, un peu plus déchaîné encore, bientôt agrémenté de quelques guitares qui bouillonnent au passage. Mais l'auditeur est encore très loin d'être au bout de ses surprises, car "Restless" est un véritable pétard en fleur, épaissi de savoureuses basses cordées l'une a l'autre par une atmosphère de salon de massage utopique et bleu-blanc-rose. Et si une bombe telle que "Restless" n'allume pas votre ferveur dansante, il y a un problème a quelque part! "I Always Wanted You Back" constitue peut-être le plus disco des morceaux, guidé par une mélodie de triomphe qui lève les poings dans la victoire. Et quant a "The One", composition patiente qui attend son heure, il met de l'avant l'un des rythmes les plus innovateurs et les plus intéressants de
Letherette : un subtil amalgame de claquements, de percussions, de voix, de battements et de quelques bips additionnels qui vous enveloppent avec l'immersion d'un écran géant dont les plans cinématographiques se succèdent de seconde en seconde.
"Gas Stations and Restaurants" signale que la seconde moitié de l'album est en marche : il s'agit d'une ballade tout en clairs-obscurs, animée de sonorités liquides et d'une voix lointaine qui fredonne, et qui se consume avec des allures de chandelle. A partir de la,
Letherette alterne entre compositions plus tranquilles et
bangers habituels. Cela dit, l'album ne perd jamais son chemin de fer et le pouls qu'il abrite depuis le tout début. "Cold Clam" intègre quelques accents orientaux ainsi que des moments plus aériens a la rythmique du LP, mais jamais la groove ne se perd, dosée toujours a merveille, tendre ou vigoureuse. Il en va de même avec "Boosted" et "Hard Martha": le premier touche le cœur avec des pierres précieuses mélodiques et amoureuses, tandis que le second est une fine pluie de percussions humides au sein d'échos et de paysages tout droit sortis d'un poème de Lamartine. Parmi cette seconde moitié, deux attrape-dancefloor nous renvoient a l'exubérance de la première. "Warstones" colorie l'album non sans verve, mené par un carburant psychédélique et soutenu par une basse grognonne prête a vous mordre. "Space Cuts", tissu de fantaisie, étend ses notes aiguës sur le drap d'un arc-en-ciel électronique.
Letherette se conclut par son plus long morceau, "Say the Sun", où l'on retrouve quelques guitares et claviers réflexifs sur fond d'ambiance feutrée. Quoique plus conventionnel que les morceaux précédents, le
closer termine l'album avec grâce. Ses derniers instants éteignent cette même lumière que l'ouverture de "After Dawn" allumait si puissamment.
Letherette est une réussite d'un bout a l'autre. L'album transpire le neuf et innove comme il peut pour la danse électronique. Il incarne une alternative de fraîcheur aux clairons surannés de l'EDM auxquels Maître BT a malheureusement succombé cette année, ainsi qu'aux sempiternels wompswomps en-veux-tu-en-voila que le brostep continue a nous cracher au visage. En quête de house contemporaine pour une soirée a tout casser? Ne cherchez pas plus loin.
Letherette a du plaisir et de la brillance a revendre.